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Les axiomatiques mentales

Une axiomatique mentale


Une axiomatique mentale, telle que je l’entends, est une sorte de théorie formée dans le cerveau, par un ensemble de postulats (c’est-à-dire des propositions rationnellement non démontrées) et qui fonctionnent en concordance pour produire des conclusions psychologiques. Chaque principe participant de ce système logique est construit par l’individu suite à des chocs affectifs ou à des expériences vécues. C’est une résultante expérientielle, une leçon de vie tirée par l’individu.


Pour de nombreuses situations habituelles de la vie courante notre personnalité et ses orientations profondes n’entrent pas tellement en ligne de compte. Des conduites typiques sont rapidement interpellées. Elles sont liées à des systèmes de croyances fonctionnant comme des axiomatiques mentales. Autrefois on parlait des « rôles sociaux » associés à diverses situations idiomatiques standards de la vie quotidienne. On parlait aussi du poids des ensembles de normes sociales qui dictent les conduites routinières de la vie sociale. Désormais, informatisation de la société et vocabulaire branché obligent, on parle de « logiciels mentaux » ou « d’axiomatiques mentales ». Voyons deux exemples de tels systèmes logiques fondés sur une axiomatique de règles psychologiques.


Supporters de son équipe au stade


Jean-Paul et son ami Rolland vont voir le match de leur équipe favorite, celle de leur ville de province. Dans les transports en commun qui les mènent au stade, ils dissimulent leurs écharpes aux couleurs de leurs camp. Ils les mettent à l’entrée du stade et rejoignent leurs places au milieu d’autres supporters de leur formation, loin des « ultras » qui vont s’agiter dans le virage et faire une autre partie du spectacle.

Ils se sont installés et, aussitôt, leurs cerveaux se mettent en « mode supporters acharnés ». Ils quittent leurs précédentes personnalités d’individus affables, civilisés, attentifs aux autres, pour entrer dans une logique partisane. Jean-Paul et Rolland se construisent une vision du monde restreinte à l’enceinte du stade et à ses éléments essentiels : leur équipe, leurs joueurs préférés, l’équipe adverse, les supporters amis, les supporters adverses, l’arbitre, les faits de jeux, les gens dans les tribunes. Dans cette vision de la situation, ils intègrent des axiomes ou postulats de base qui vont définir leurs activités lors du spectacle. 


Le système des postulats mentaux


1-   Leur premier postulat mental est lié au fait qu’ils se déplacent pour voir un match de foot. Ils vont voir un spectacle sportif pour se distraire, pour être hors du temps et, surtout, pour vivre des émotions qu’ils espèrent fortes. Ils vont éprouver de l’allégresse, de la crainte, de la colère… Ils vont pouvoir s’emporter sans que cela ne porte à conséquence. 


2-   Leur deuxième postulat est lié au lieu, au type de spectacle et à leur identité affichée : un match de foot dans un stade alors qu’ils portent l’écharpe de leur club. Il va de soi, qu’ils peuvent se comporter en partisan, ne pas être objectifs et hurler des propos inhabituels.


3-   Leur troisième postulat est lié à leur qualité de supporter de leur équipe. Il est évident que leur équipe doit leur faire plaisir en gagnant. Ils ne font pas un reportage pour la télévision et ils ne sont pas là pour repérer des joueurs à sélectionner.


4-   Leur quatrième postulat est lié aussi à leurs identités de supporters partisans : ils détestent l’équipe adverses et décrètent que ses joueurs sont des joueurs sans vrai talent, des simulateurs ou des tricheurs.


5-   Leur cinquième postulat concerne les supporters adverses. Il est évident que ce sont des personnes peu recommandables. De nombreux stéréotypes négatifs leur sont donnés : populace, tricheurs… bref, tous des figures de fanatiques.   


C’est avec ce système axiomatique que nos deux spectateurs vont penser et se comporter. Sur le schéma ci-dessous, certaines des conduites qui découlent du système sont notées.


 




Retour au foyer


Après la phase de transition, à la sortie du stade, où Jean-Paul et Rolland échangent leurs commentaires en se remémorant les moments clefs du match, voici Jean-Paul, le lendemain dimanche, dans son foyer.


La situation est toute différente, on s’en doute. Il se connecte alors automatiquement à son logiciel de père de famille ayant deux enfants à occuper le dimanche. Logiciel qu’il partage d’ailleurs, avec quelques variantes, avec son épouse. Les éléments de la situation qu’il doit prendre en compte sont liés : à la volonté de son couple de passer des moments marquants et enrichissants avec ses enfants, à la disponibilité de toute la famille en ce jour férié, aux attentes et aptitudes des uns et des autres, aux expériences passées, à l’importance de s’harmoniser avec son épouse… Dans cette définition de la situation, son psychisme intègre des axiomes qui vont définir ses activités de la journée. Ces axiomes ont été forgés à travers les essais déjà vécus, les satisfactions retenues et les échecs éprouvés.  


Le système axiomatique du père de famille


Le système des postulats du père de famille ressemble à celui de tout animateur de colonie de vacances qui a préparé une journée d’action et qui doit l’organiser. En fait, ce système de prémisses est toujours latent dans le psychisme de Jean-Paul. Il surgit plus précisément lors de la mise en œuvre de la journée familiale de loisir collectif.


1-   Le premier postulat mental émergent, mais latent donc auparavant, est lié à sa conception du rôle des parents. Pour lui les parents doivent créer chez leurs enfants, lors des activités collectives, des souvenirs marquants qui allient l’intérêt, les découvertes, les connaissances et l’affection familiale. Il tient cette sorte de croyance de son enfance lors de laquelle son père adoré l’a laissé trop tôt orphelin.


2-   Son deuxième postulat mental est le suivant : les activités familiales collectives avec des enfants (2 garçons de 8 et 10 ans), se préparent en concertation avec la mère de famille. Cette prémisse mentale a d’ailleurs été aussi toujours plus ou moins présente tout au long de la semaine. C’est ainsi qu’à travers des discussions avec son épouse, des conseils et des idées reçus de ses amis, des lectures de différents guides, des recherches sur Internet… Il a choisi un lieu et une activité pour ce week-end. Ce postulat lui vient des souvenirs cuisants de vacances ratées de son enfance où rien n’avait été préparé.


3-   Son troisième postulat mental est lié aux explications motivantes à donner et à la préparation psychologique des enfants. De son point de vue, les activités proposées ne doivent pas être imposées et sortir d’un chapeau au dernier moment. Pour lui, une mise en condition favorise les effets positifs des activités. Cette prémisse lui vient sans doute en réaction à ses années de colonie de vacances où les éducateurs imposaient des occupations qu’il n’appréciait pas.


4-   Son quatrième postulat mental est lié à la nécessité d’organiser la journée et les activités prévues. C’est à partir de ce postulat qu’il va demander à chacun de s’organiser et de collaborer à la préparation collective de la sortie, du déplacement et du pique-nique, par exemple.


C’est avec ce système axiomatique que notre père de famille va penser et se comporter. Sur le schéma ci-dessous, certaines des conduites qui découlent du système sont évoquées.





Conclusion


En fin de compte, si l’on considère les conduites de Jean-Paul, lorsqu’il est au stade, on voit qu’il est dans le rôle classique d’un supporter non extrémiste. Lorsqu’il se retrouve chez lui, il prend un autre rôle : le rôle particulier d’un père de famille soucieux des activités familiales de loisir organisées et réussies pour ses jeunes enfants. Ce sont les situations qui mettent en œuvre des logiciels mentaux appropriés et préétablis suite à des événements marquants de la biographie personnelle et ce sont ces systèmes axiomatiques qui pilotent des conduites privées habituelles et non culturellement normées.

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