L'infériorité
1- La situation du petit enfant
Alfred Adler (Le sens de la vie, 1933, rééd. 2017) a fait du "complexe d'infériorité" un des éléments essentiels de la personnalité des individus. Ce complexe est issu du sentiment d'infériorité que tous les enfants du monde ressentent dans leur vie affective de leur enfance. Dans sa petite enfance, en effet, l'homme est faible, vulnérable et démuni face aux éléments de son environnement. Il développe alors naturellement ce sentiment d'infériorité : il n'est pas capable de faire correctement face aux différentes puissances qui sont autour de lui.
Mais, en même temps, nous dit Adler, ce sentiment est la source normale de réactions de compensation : l'enfant cherche à dépasser cette situation d'infériorité dans laquelle il se trouve. Cette "volonté de puissance" est alors à la base de projets de dépassement de l'infériorité qui est oubliée dans de véritables réalisations. L'enfant s'ouvre au réel, au social et il trouve des moyens pour développer la confiance en lui.
Lorsque ce développement normal est bloqué, les sentiments d'infériorité se fixent. Ils deviennent un "complexe d'infériorité". L'enfant devenu un homme a alors toujours en lui la certitude de ne pas être à la hauteur, d'être incapable de faire les choses..., ceci associé à la croyance qu'autrui le juge, le méprise et se moque de lui. Dans sa forme de base, le complexe d'infériorité mène à des conduites d'évitement des contacts, d'abaissement volontaire de soi, de fuite dans la rêverie, de paralysie des actions, de timidité...
2- Les réactions de défense
Pour se sortir de cette impasse relationnelle dans laquelle le met son complexe, l'Homme peut aussi mettre en place différents mécanismes de défense qui visent à annuler les effets du complexe. Adler et d'autres psychologues parlent alors :
1°) des compensations : invention de rôles fictionnels de puissance, maltraitance d'animaux, humiliation de plus faibles...,
2°) de surcompensations : affichage d'un air de supériorité, vanité mise dans des possessions, recherche incessante de challenges nouveaux, de compétitions à gagner, déconsidération permanente des autres...,
3°) des sublimations qui sont des transpositions de l'infériorité dans un domaine socialement et intellectuellement acceptable : recherche de la pauvreté absolue, sacrifice de soi dans des métiers de soins ou de protection des autres...,
Et enfin on trouve :
4°) des rationalisations défensives ou négations actives du complexe : toujours parler avec un sourire sarcastique. Prendre un air hautain et sûr de soi, carapaces sociales fondées sur des attitudes de certitude...
3- Les formes des réactions de défense
Forme banale ou décompensée du complexe :
La personne est consciente de sa gêne. Elle est mécontente mais dans l'incapacité de maîtriser son émotion et ses réactions automatiques. Elle se met donc en échec. Mais, elle cherche à éviter les situations qui la mettent dans cet état.
Forme compensée du complexe :
Le complexe est fixé sur des situations précises que la personne apprend à éviter. Par ailleurs, la personne a développé, sur un autre point, une conduite inverse, réussie et satisfaisante pour elle. C'est le cas d'un complexe d'infériorité physique qui est compensé par une réussite intellectuelle ou artistique.
Forme surcompensée du complexe :
Le complexe est nié par la personne qui développe, dans les mêmes situations, un système de conduites inverses. C'est le cas du timide qui devient insolent, de l'infirme qui devient champion dans le sport qui était hors de sa portée...
Forme sublimée du complexe :
Le complexe est transposé dans un domaine socialement ou intellectuellement acceptable. Par exemple le complexe spectaculaire (se montrer, s'exhiber...), se sublime dans les activités du spectacle, du podium, de l'estrade..., dans toutes les activités où la personne est "en scène" (du comédien, au stripteaseur en passant par le présentateur télé).
4- Les leçons à tirer des observations d'Adler
1°) L'enfance est une période marquante de la vie où des sentiments et des complexes peuvent s'imprimer.
2°) Le sentiment naturel d'infériorité de l'enfance est normalement dépassé et la confiance en soi résulte alors d'expériences.
3°) Lorsque la confiance en soi est bloquée, alors le complexe d'infériorité s'enkyste dans le psychisme.
4°) Ce complexe d'infériorité peut prendre plusieurs formes : sa forme banale (décompensée), sa forme compensée, sa forme surcompensée et sa forme sublimée.
Extrait de : "J'ai vaincu mes complexes et mes peurs", Alex Mucchielli, Editions Kawa, 2019.